Pourquoi le crowdfunding immobilier rapporte autant ? A l’occasion de la dernière sortie du Baromètre Mazars et Financement Participatif France, nous faisons le point avec Thomas Danset, Directeur Général de la plateforme de Crowdfunding immobilier La Première Brique, sur les performances du crowdfunding immobilier en France en 2022, les perspectives pour 2023 et 2024 et surtout on revient sur les risques d’un tel placement.
Pour rappel, en quelques chiffres (source : Baromètre Mazars x Financement Participatif France) le crowdfunding immobilier en 2022 c’est :
– 9,4 % : rendement moyen en 2022 (ah oui quand même 🙂)
– 21,4 mois : durée moyenne du placement (en légère hausse de 0,2 mois par rapport à 2021)
– 1,6 Milliards d’euros de collecte
Et tout ça sans aucun frais de souscription ou de sortie.
Depuis 3 ans, la collecte réalisée par les acteurs du crowdfunding immobilier a presque triplé. Elle était de 555 Millions d’euros en 2020. Ce volume de collecte progresse de +40,2% en 2022 par rapport à 2021 quand la progression du financement participatif en France dans son ensemble se situe à +25,3%.
4 à 10% *
De rentabilité annuelle
+ 10 ans
D’expérience
+ 100M €
De fonds conseillés
Retranscription de l’interview :
Thomas est-ce que tu peux en introduction nous rappeler ce qu’est une opération de crowdfunding immobilier ?
Thomas Danset : Avec plaisir. Alors le crowdfunding immobilier ou financement participatif immobilier si on utilise le terme français c’est le fait de rassembler une multitude d’investisseurs autour d’un projet immobilier déterminé et tout ça sous le contrôle d’une plateforme de crowdfunding immobilier qui est un acteur réglementé avec un statut de PSFP (Prestataire de Service en Financement Participatif). L’opération immobilière peut être une opération de promotion immobilière ou une opération de marchand de biens avec un sous-jacent du coup qui est immobilier et qui est porté par un professionnel de l’immobilier que l’on appelle le porteur de projet. Ce porteur de projet va être accompagné par la plateforme pour collecter des fonds et lui permettre de concrétiser son projet.
Sauf exception, l’investisseur souscrit à une obligation, c’est-à-dire qu’il fait un prêt au professionnel de l’immobilier avec comme tout prêt : une durée, un taux d’intérêt annuel, un capital emprunté et, le cas échéant, un certain nombre de garanties. Quand on parle de performance moyenne du Crowdfunding immobilier en France qui est de l’ordre de 9 à 10 % selon les années, il s’agit de la moyenne des taux d’intérêts (appelés coupons obligataires) proposés sur l’ensemble des plateformes de crowdfunding immobilier du marché (il en existe une quarantaine).
Pourquoi le Crowdfunding immobilier rapporte autant ? 9 à 10 % par an, c’est quand même très intéressant.
Thomas Danset : Il faut déjà bien comprendre qu’il n’y a pas de magie. Si les porteurs de projets sont près à payer de tels d’intérêts, c’est que derrière ils vont pouvoir grâce à ce financement faire aboutir une opération immobilière qui va leur rapporter plus. Si on rentre un peu plus dans la technique il faut différencier deux catégories de projets : les projets avec une banque qui intervient dans l’opération en plus de la plateforme, et les projets sans banque. Pour les projets avec une banque, la banque demande à ce que le porteur de projet apporte des fonds propres dans l’opération. Et c’est là que le crowdfunding va intervenir, généralement pour 80% des fonds propres que va demander cette banque, les 20 autres pourcents c’est le porteur de projet qui va les investir. Ainsi, pour 100 demandé par la banque, l’opérateur immobilier va immobilisé que 20 de trésorerie, et il va ainsi pouvoir multiplier le nombre d’opérations et ainsi multiplier ces gains. C’est ce que l’on appelle le double effet de levier, le premier effet de levier c’est celui de la banque, le second c’est celui permis par le crowdfunding immobilier. Pour les projets sans banque, c’est souvent des porteurs de projets plus petits (moins de 500 000 euros) qui intéressent moins les banques ou ce sont des jeunes porteurs de projets qui ont moins d’antériorités. Ces porteurs de projets n’ont donc pas d’autres choix que de se tourner vers les plateformes de crowdfunding, mais ça ne veut pas pour autant dire que leurs projets sont plus risqués, c’est juste qu’ils n’interessent pas les banques.
Est-ce que tu peux nous parler un peu des risques associés à un investissement de crowdfunding immobilier et à ce titre peut-être prendre un exemple concret d’une opération ?
Thomas Danset : Il y a deux grandes familles de risques. Pour rappel on est sur un prêt. Un prêt il y a deux risques : un risque de retard et un risque de défaut. Le risque de défaut c’est ce qu’on peut appeler la perte totale ou partielle du capital. D’une manière générale, Il faut toujours partir du principe que plus le rendement d’un investissement est élevé, plus le risque en face est aussi à considérer comme élever. Le risque de retard lui est un petit peu moins « gênant » dans le sens où généralement il y a des pénalités de retard qui s’appliquent donc en fait il y a un intérêt qui est bonifié pour l’investisseur et ce risque de retard il peut généralement s’expliquer parce que l’immobilier n’est pas une science exacte et qu’il y a des aléas comme par exemple des retards de chantier. Le risque de retard encore une fois, est lié à la vie d’un projet et également à la vie de l’immobilier. Le risque de défaut lui, il est lié en fait à un défaut juridique de l’emprunteur, c’est-à-dire de la société qui va emprunter. Je regrette le fait que souvent les médias mettent en avant le rendement sans contrebalancer par les risques. Donc oui, si on prend les chiffres du marché le crowdfunding immobilier est très attractif avec des rendements moyens de 9 à 10 % selon les plateformes, par rapport à d’autres placements comme les SCPI de rendement par exemple dont les rendements sont autour de 5%, mais c’est aussi parce qu’il y a plus de risque et c’est important de le rappeler.
Il y a des risques, mais il y a tout de même un certain nombre de garanties contractuelles qui sont généralement prises par les plateformes. Est-ce que ces garanties sont toujours sérieuses ?
Thomas Danset : Dans les garanties on va retrouver tout ce que le droit français et le droit des sûretés en France peut offrir. Ca peut donc être des garanties aussi bien sur l’actif lui même comme par exemple des hypothèques, mais ça peut-être aussi des cautions personnelles, ça peut être aussi des garanties données par d’autres sociétés par exemple la société holding tête de groupe qui viendrait donner une garantie sur la société fille de promotion immobilière qui porte des projets en promotion. Ces garanties sont toujours expliquées dans les documents de présentation fournis par les plateformes et si l’investisseur a la moindre question quelle que soit la plateforme, il faut pas hésiter en fait à poser des questions. C’est important de bien comprendre et évaluer le niveau des garanties. Par exemple, pour une hypothèque il faut regarder le rang de l’hypothèque c’est à dire en fait la place qu’elle a cette hypothèque est-ce que c’est un premier rang c’est-à-dire qu’en fait on est le premier de tous les hypothécaires ou est-ce que c’est un second rang après une banque par exemple. A ne pas confondre avec une promesse d’affectation hypothécaire ce n’est pas la même chose. Il y a plein de petites subtilités mais ce n’est pas parce qu’un dossier bénéficie d’une hypothèque que ça veut dire qu’on qu’il y a pas un risque. Chaque dossier présente ses propres spécificités. C’est impossible de dire si un dossier a tel ou tel critère, alors foncez.
Concernant les perspectives du marché en 2023 et 2024, qu’est-ce que tu en penses ? Les performances vont augmenter ou baisser ? Les retards et les défauts, au vue du contexte, vont-ils s’accroître ?
Thomas Danset : Alors sur la performance je pense que ça va un petit peu augmenter. Je pense ça va tendre petit à petit vers les 10% l’an voir les dépasser. Pourquoi ? Parce que ça reste un produit financier, un produit de taux. Hausse des taux généralisée sur tous les produits financiers, sur le prix de la dette. Je pense que le taux va un petit peu monter, le taux de retard et de défaut vont aussi monter. Mais il est logique d’avoir un taux de rémunération du risque qui augmente aussi un petit peu, donc je pense que ça va légèrement évoluer, ça va tendre à se rapprocher un petit peu des 10% l’an voire les dépasser. Ça restera donc du coup un produit qui est très performant encore une fois, à mettre en face d’un taux défaut et de retard qui pour le coup va augmenter mécaniquement, alors pourquoi ? Déjà règle mathématique, le nombre de dossiers financés augmente donc c’est logique que le nombre de problématiques rencontrés sur des projets augmente. Il va augmenter également parce que le taux de retard se regarde dans le temps, un projet qui est financé par exemple sur 24 ou 36 mois n’est pas en défaut jusqu’à ces 24 ou 36 mois et puis après les procédures derrière s’enchaînent et peuvent être parfois très longues. C’est un taux qui va forcément être amené à augmenter parce que la base sur laquelle il est constitué (le nombre de projets) augmente lui aussi et enfin parce que c’est une période plus compliqué aujourd’hui pour le marché immobilier qu’il y a 2 ou 3 ans.